Secrets d'Histoire ... le rouge à lèvres

Bonjour, 

Pour inaugurer ce blog, je vous propose une catégorie d'articles que je publierai de temps en temps. Le sujet ? Prenons un item emblématique de nos salles de bain ou de nos rituels de beauté et retraçons son histoire, son évolution ... 

Commençons par un produit qui participe pleinement à l'image féminine, à sa représentation et à son univers : le rouge à lèvres. 

Beauty addict ou non, chaque femme a au moins un rouge à lèvres qui traîne quelque part, un tube de couleur qui rappelle un être cher de par sa teinte, une nuance qui évoque à elle seule tout un univers, voire une icône ... 

Aujourd'hui, l'offre est extrêmement large et de plus en plus diversifiée, notamment dans le choix des textures et des rendus. 

Ce produit est, selon moi, la clé d'un maquillage réussi et parfait dans le sens de "terminé", mais aussi dans son sens premier. En ce qui me concerne, c'est le dernier geste que je réalise pour me maquiller. 

Un matin pressé ? Un joli rose avec le teint travaillé et un peu de mascara, vous paraissez déjà pimpante et fraîche.

Un rendez-vous galant où vous voulez séduire ? Un rouge carmin et l'affaire est dans le sac !

Une soirée où vous voulez jouer les mystérieuses ? Un smoky sombre et un rouge à lèvres nude

Le ràl est l'allié de tous les maquillages, un indispensable de toutes les époques.

Voici son histoire ... 

° Les coquettes et coquines Égyptiennes

Bien au-delà du trait de khôl noir que l'on connaît toutes et des bains au lait d'ânesse de Cléopâtre,  les Égyptiennes étaient de vraies beauty addict à leur époque.

Bien avant que le maquillage n'arrive en Occident (celui-ci ayant été très longtemps associé à Satan - se maquiller étant un acte de luxure et d'orgueil - les Égyptiennes prônaient  

"les cils noircis ou épilés, les pommettes rosies, la bouche rosée ou carminée" (1)

 Les "rouges à lèvres" de l'époque étaient confectionnés à partir de pétales de roses et de coquelicots. 

Simplement, l'usage du rouge à lèvres était réservé à un public bien précis ... Seules les femmes spécialistes du sexe oral l'arborait afin de susciter le désir de l'homme et le laisser fantasmer sur la suite des évènements, mais aussi pour lui souffler implicitement qui était une experte en la matière.

De couleur vermillon, carmin ou encore grenade, ce camaïeu de tons hypnotisait et sublimait les lèvres afin d'en faire un objet de séduction et de désir ... 

° Le dévergondage occidental - Moyen-Âge et Renaissance 

Comme je vous le disais brièvement plus haut, le fait se farder était synonyme de péchés mortels : luxure et orgueil, car, comme le dit le théologien Tertullien  

" Ce qui est de nature est l'oeuvre de Dieu, ce qui est factice est l'oeuvre du Diable ". 

 (Où en sommes -nous aujourd'hui ?)

Comprenez la difficulté pour les coquettes de l'époque. Qui faut-il séduire ? L'homme courtisé ou Dieu ? Faut-il vivre sa vie et ses désirs et finir en Enfer ou n'écouter qu'une seule voix et chercher le Paradis ? Pas si facile de choisir...

Pour autant,  quelques manuels de secrets de beauté ont paru au cours du XVème siècle. Il y aurait même eu quelques conférences vers 1550.

C'est surtout pendant le XVIème siècle et sa Renaissance que les femmes commencent à appliquer ces secrets de beauté redécouverts grâce aux pommades à lèvres fabriquées à partir de fruits tels que la figue, le raisin ou la mûre. Ces couleurs foncées étaient censées contraster avec la blancheur de la peau, autre symbole de beauté de l'époque. Le bronzage étant réservé aux paysannes ou petit peuple !

La beauté Botticellienne de l'époque arbore un teint diaphane, des lèvres, des joues et des ongles rouges. Et d'autres canons de beauté comme le montre la Vénus au miroir de Le Titien :

Vénus au miroir - Le Titien (détail)

° A la cour du Roi Soleil 

Nous le savons, cette époque est celle de tous les excès, les coiffeurs de cette époque rivalisent d'ingéniosité pour administrer aux Belles des coiffures toujours plus hautes, plus élaborées et plus comiques les unes que les autres (vous pouvez lire Les Caractères de La Bruyère à ce sujet, c'est très drôle !).

Quant au maquillage en lui-même, on ne le quitte pas de la journée. En effet, les femmes sont pomponnées de jour comme de nuit, le nude et le naturel tout court est proscrit. Seul le rouge est adoré et arboré.

D'ailleurs, pour l'anecdote, les femmes font une telle consommation de produits de beauté qu'on pense leur imposer un impôt pour renflouer les caisses de l'Etat ! Sujet remis au goût du jour il n'y a pas si longtemps que ça, mais heureusement pour nous, non mené à terme !

Madame de Pompadour

° Les "poulettes" Romantiques 

Le XIXème siècle est marqué par l'époque du dandysme et du romantisme. La mode de l'époque pour les bourgeoises du point de vue du maquillage est cadavérique : teint blafard, maquillage maladif et verdâtre.

Les poulettes, quant à elles issues des classes moyennes et aux moeurs légers "marchent deux à deux, poudrées et fardées (...) les lèvres cerclées d'un rouge fracassant" (2). 

A l'image des Égyptiennes, ce "rouge fracassant" sert à illuminer leur visage, et invite les hommes à la caresse et au câlin plus ou moins gros ... 

Femme tirant sur son bas - Toulouse Lautrec

La Goulue arrivant au moulin rouge - Toulouse Lautrec

° L'évolution des techniques d'application, la révolution Guerlain 

Jusqu'au XIXème siècle, les fards à lèvres se présentaient sous une forme crémeuse, voire liquide. Le conditionnement se faisait dans des petits pots ou des fioles et l'application au doigt ou au pinceau.

Plus tard, le rouge prend la forme d'un "boudin" fait à partir de pulpe de raisin qui lui donne sa couleur.

En 1870, c'est la révolution !

Guerlain commercialise le premier tube de rouge à lèvres : le rouge automatique. 

Fabriqué à partir de cire de bougie parfumée, il porte bien son nom, Ne m'oubliez pas. Ce bâton était proposé en étui-poussette, et surtout, comble de la sophistication et du progrès technologique : rechargeable !

A peu près à la même époque, la maison Roger-Gallet sort également un rouge "étui-glissette" quant à lui. 

Le succès du rouge Guerlain dure jusqu'en 1943, époque à laquelle l'usine dans laquelle il est fabriqué est bombardée.

Conscients de leur succès et certains du futur triomphal de leurs rouges à lèvres, en 1920, Guerlain sort un nouveau modèle, Rouge d'Enfer, qui s'ouvre et se ferme en tirant sur un pompon.

A noter par ailleurs qu'il ne faut pas oublier que la femme devient plus indépendante à cette époque, surtout la femme de la classe ouvrière et/ou moyenne qui a "porté la France" pendant les années de Guerre. Sans oublier la "garçonne" qui fera son apparition par la suite et qui revendiquera un statut indépendant et fort, d'où les couleurs franches, entre autres. 

 S'en suivent le Nouveau Rouge, le Rouge Automatique (rééditions) et le best-seller Le Rouge G de Guerlain (1956) puis, plus récemment, le KissKiss qui affiche  pour slogan "le plus glamour de tous les rouges à lèvres".

Sans oublier non plus le Rouge Baiser, créé par Paul Baudecroux et que l'on peut encore trouvé chez certains distributeurs aujourd'hui. Ou encore les premiers rouges Bourjois, lancés dans les années 1930 avec une formule renforcée pour une meilleure tenue.

Crédit photo : bourjois.fr

° Les rouges à lèvres venus d'ailleurs : Shiseido 

Cette maison nipponne fondée en 1872 lance son premier beni ou rouge à lèvres en 1922. À l’époque, la tradition japonaise réserve l’usage des luxueuses formules colorantes aux célébrations. En 1929, Shiseido commercialise ses premiers tubes de rouge à lèvres. Six ans plus tard, la maison innove en lançant des sticks mini format, parfaitement adaptés à la femme moderne.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, en pleine pénurie de matières premières, Shiseido offre des tubes de rouge en bois aux travailleuses volontaires des usines de munitions. Encore aujourd’hui, l’esprit d’avant-garde qui associe l’esthétique orientale à la technologie la plus pointue continue d’animer la compagnie.

° Les icônes d'hier et d'aujourd'hui 

Il y a bien sûr les marques comme nous venons de le voir, mais quelles sont les grandes icônes d'hier et d'aujourd'hui qui valorisent et représentent la bouche parfaite ? Emblèmes des marques et des canons de beauté ...

Blanche-Neige

Un teint de porcelaine, des cheveux noirs de jais, le tout contrasté par une bouche rouge cerise (ou pomme d'amour ;) )

Marylin Monroe

Qui d'autre qu'elle pour représenter la blonde femme fatale aux lèvres rouges flamboyantes ?

Dita Von Teese

Une pin-up du XXIème siècle, au trait de liner toujours impeccable et à la bouche toujours écarlate

Voilà pour ce tour d'horizon d'un produit phare ! Comme vous avez pu le lire, l'histoire du rouge est tumultueuse, mais toujours gage de féminité et de sensualité.

J'espère que cet article vous aura plu et vous avoir appris quelque chose à travers cette histoire qui ne se raconte pas que du bout des lèvres ! ;) 

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N.B : Ce billet est une republication de celui que j'avais écrit sur mon ancien blog, un peu remanié et complété. J'ai toutefois remarqué qu'un site "vintage" avait repris quasiment l'intégralité de mon texte. Merci pour la propriété intellectuelle ! Sources / Recherches / Crédits :  (1,2)Dominique Paquet, "Miroir, mon beau miroir, histoire de la beauté" ; evene.fr ; leparisien.fr ; Catherine Sauvat, "Les objets de beauté"